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Publié le 01/04/2022 à 22:46

Inceste : la Civiise rend ses conclusions intermédiaires

Au terme d’une enquête d’un an recueillant plus de 10 000 témoignages et auditionnant 40 experts, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Civiise) a rendu ce jeudi 31 mars ses conclusions intermédiaires et formulé une vingtaine de recommandations. « Parce que la protection des enfants n’attend pas », ces préconisations sont « réalisables sans attendre ».

 Alors qu’un procès aux assises de Fort-de-France a récemment condamné un septuagénaire à 14 ans de réclusion pour viols et inceste , la Civiise a rendu un rapport intermédiaire contenant plusieurs dizaines de recommandations visant à lutter contre ce fléau encore trop tabou.

Ce travail, qui s’articule autour de quatre axes, le repérage des victimes, le traitement judiciaire, la réparation des violences et la prévention, dresse par ailleurs un état des lieux de l’inceste en France.

Des chiffres édifiants 

160 000 enfants par an sont victimes de violences sexuelles en France. Dans 90% des cas, il s’agit de femmes. Par ailleurs, 8 victimes de violences sexuelles subies durant l’enfance et l’adolescence sur 10 sont des victimes d’inceste. Si le père est l’agresseur dans un cas sur trois, il n’y a pas de profil type, ce fléau n’étant pas « l’apanage d’un groupe social particulier ». 

Pour opérer, les agresseurs usent généralement de la relation de confiance établie avec l’enfant, comme l’affirme 74,4% des personnes ayant répondu au questionnaire. Une donnée qui explique aussi pourquoi les victimes mettent autant de temps à révéler les faits : 60,9% des femmes et 76,2% des hommes attendent plus de 10 ans avant de parler. A cela s’ajoute l’amnésie traumatique dont elles sont souvent sujettes. 

La nécessité d’une approche « pro-active » pour repérer les victimes 

Dans la plupart des cas, ce sont les professionnels de l’enfance qui détectent le problème, se fiant aux changements de comportement des enfants. La Civiise recommande donc une approche pro-active pour détecter davantage ces signaux d’alerte en mobilisant l’entourage de l’enfant. Ainsi, selon la Commission, les infirmiers, médecins, instituteurs, professeurs, avocats, éducateurs et assistants sociaux devront dorénavant « poser aux enfants la question de l’existence des violences sexuelles, et notamment l’inceste ». Ces professionnels pourront par ailleurs s’appuyer sur une cellule nationale de soutien spécialement dédiée à cet accompagnement. Clarifier l’ obligation de signalement par les médecins mais aussi leur garantir la sécurité juridique font partie des préconisations de la Civiise. Enfin, la parole de l’enfant, encore trop souvent contestée, doit être davantage considérée afin de ne pas générer de traumatisme supplémentaire. Pour ce faire, les forces de l’ordre affectées sur un poste en lien avec la protection judiciaire de la jeunesse seront « spécialement formées et habilitées » à travers un stage dédié. Respect de l’intimité, prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant : de façon générale, la prévention et la formation des professionnels doit s’améliorer. C’est pourquoi la mise en place d’un module spécifique dans les cursus diplômant du secteur de la protection de l’enfance est préconisé.   

Le retrait systématique de l’autorité parentale en cas de condamnation pour inceste parental 

 Ce n’était pas inscrit dans la loi, c’est pourtant une évidence pour la Civiise qui demande également "la suspension de plein droit de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi pour viol ou agression sexuelle incestueuse contre son enfant ».

Un renforcement des mesures d’indemnisation 

Alors que seulement 8,5% des victimes ont bénéficié d’un parcours de soins en psychotraumatologie, généraliser les soins et les rembourser en intégralité font aussi partie des propositions. Enfin, l’indemnisation via une somme d’argent versée à la victime mineure et réévaluée à l’âge adulte viendrait compléter le dispositif de réparation du préjudice.